Quand tu rentrais dans un hôpital, tu avais toujours cette sensation de revenir là où tout avait commencé. C’était comme une boucle qui n’avait de cesse de recommencer, encore et encore, et cela avait longtemps joué sur le malaise qui grimpait instantanément dans ta poitrine. En effet, tu avais bien longtemps craint ne pas en ressortir, ou que cet endroit finisse de t'arracher tous tes droits. Et puis, Jules, tu avais grandi.
Quand tu avançais dans les couloirs de l’immense complexe hospitalier romain, tu te sentais maintenant chez toi. Tout t’était familier, tu savais toujours parfaitement où aller, et vers qui te tourner en cas de problème. Même l’odeur aseptisée des couloirs nettoyés te plaisait, parce que cela te rappelait qu’ici, on faisait tout pour que tu ne tombes pas plus malade. Mieux même ! Pour que d’autres enfants ne tombent pas malades.
Alors oui, aujourd’hui, tu avançais la tête haute, un sourire resplendissant sur les lèvres. Dans le couloir, les talons de tes bottines frappaient sur le rythme de ta démarche vive et énergique. Habillée d’un jean skinny, abîmé comme ça pouvait être la mode, et d’une petite blouse parme légère surmontée de ton bombers, tu avais clairement l’air de tout, sauf d’une malade. Et cela te faisait le plus grand bien !
« Jules ! S’exclame finalement la secrétaire du service pneumologique de l’hôpital. Tu es en avance, le remplaçant du docteur Aveni n’est pas encore là. -Ah ? Ce n’est pas grave, je vais aller faire un tour ! Tu lui souris. Tu as bonne mine, Lucina ! -Merci, toi aussi tu resplendis aujourd’hui. »
Soufflant un baiser depuis ta main à la secrétaire qui t’a vue grandir au fur et à mesure de tes rendez-vous pour surveiller tes poumons, Jules, tu fais demi-tour et tu repars dans un mouvement plein d’entrain. Plutôt que d’aller vers la cafétéria, qui est quelques étages plus tard, tu finis par prendre le couloir des enfants, où il y a une salle de jeu et surtout un distributeur automatique pour les parents qui les veillent !
C’est comme ça que tu te retrouves dans cette drôle de situation où tu es maintenant. Des bruits te parviennent de la salle de jeu. Pas des rires comme habituellement, même pas des enfants qui se battent pour un jouet. Non, là, c’est une quinte de toux qui n’augure rien de bon.
Tu fonces aussi sec Jules. En un quart de seconde, tu passes de cette jeune femme heureuse, à l’heure pour son rendez-vous mensuelle, à une malade qui reconnait les symptômes avec inquiétude. Tu pousses la porte juste à temps pour voir une petite fille tousser, encore et encore, les larmes coulant sur son visage. Et avec l’habitude de ces choses-là, tu viens à ses côtés.
« Ne panique pas, ça va aller. Tu poses une main dans son dos, pour caresser son petit dos à travers sa robe. Voilà, détends-toi. Ça va déjà mieux. Tu lui souris, tu respires profondément pour pousser l’enfant à en faire autant. Tiens, bois un peu d’eau. »
Tu as sorti une bouteille de ton sac, et maintenant que le plus gros de la toux est passé tu lui permets de calmer l’irritation de sa gorge avec. La gamine s’accroche à toi. Tu ne fais même pas mine de bouger, tu restes là, agenouillée à ses côtés, une main contre son dos, avec un joli sourire qui cache aux enfants l’angoisse dans tes yeux.
« Tu te sens mieux ? »
La gamine hoche la tête et toi, Jules, tu soupires de soulagement.
Dune - 2020
Moon Hyeon-ju
Je te guiderai si tu as foi.
Age : 34 ans.
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Ven 27 Mar - 15:32
N'oublies pas de respirer & tout ira bien !
Feat Jules
C'est étrange comme tout ici semble vouloir éveiller en toi quelques souvenirs qui pourtant, peinent à remonter à la surface. Le service est différent de ceux que tu as pu fréquenter jusqu'à présent, et à la fois, tu n'as aucun mal à te repérer, parce qu'au final, de cardiologie à pneumologie, la configuration de l'étage reste globalement la même. Il y a trois jours que tu bosses ici. Avant, il n'y avait pas la moindre place pour toi dans ce service, bien qu'il soit celui que tu avais demandé à la base, lors de ton entrée dans cet hôpital. Et puis, subitement, la semaine dernière, ce courrier déposé dans ton casier pour te proposer de prendre le remplacement d'un collègue parti pour une longue absence pour raisons de santé. Tu avais hésité, mais juste un peu. Et quelques jours plus tard, tu commençais les consultations ici. C'était plus calme. Tes horaires étaient fixes pour le moment, si bien que ton rythme de vie avait un peu changé, et te laissais des pauses, et de plus ou moins longues périodes de répit dont finalement … tu n'avais même pas besoin.
Aujourd'hui par exemple, ta première consultation était au beau milieu de la matinée. Dix heures et demi. Ça t'avais laissé le temps de paresser, et même de prendre un petit déjeuner bien copieux, chose que tu ne faisais jamais puisque la semaine dernière encore, tu te contentais d'un croissant et d'un jus de fruits. Ça t'avais aussi laissé le temps d'arriver, tranquillement, de déposer tes affaires dans ton nouveau bureau, celui dont ton collègue absent avait débarrasser ses affaires pour te laisser mettre les tiennes. Quelques photos de famille sur le bureau. Tu avais même déjà deux dessins d'enfants accrochés au mur. Finalement, après quelques minutes, le temps d'allumer ton ordinateur et d'enfiler ta blouse blanche, tu ressors de ton bureau dont tu laisses la porte entrouverte le temps d'aller à l’accueil pour saluer la secrétaire et attraper le dossier de ton prochain rendez-vous. Il est relativement épais, ce qui suggère immédiatement une patiente suivie ici depuis longtemps. Tu le parcours rapidement avant de le refermer et de quitter l’accueil pour aller récupérer ta patiente dans la salle d'attente que tu trouves … vide. Étrange, n'est-ce pas ? La secrétaire t'as pourtant indiqué qu'elle était arrivée.
Après un soupire, le dossier toujours dans les mains, tu te décides à simplement suivre le couloir, jetant un œil à toutes les salles accessibles, tu finis par te retrouver chez les enfants, là où lorsque tu ouvres la porte, tu trouves une jeune femme agenouillée face à une petite fille manifestement en souffrance. « Tout va bien ? » Une question banale, mais tu n'attends pas de réponse pour t'approcher à ton tour. Tu déposes le dossier au sol pour relever doucement la tête de la fillette, tu fixes ses yeux quelques secondes seulement avant de t'en détourner pour attraper le stéthoscope accroché à ton cou, tu le ramènes sur tes oreilles et en dépose l'extrémité sur la poitrine de l'enfant, écoutant avec attention. « Vous êtes de sa famille ? Par quel médecin est-ce qu'elle est suivie, que j'aille le chercher ? »
T’as jamais aimé rester là sans rien faire, Jules. T’es consciente, pourtant, que mettre deux malades dans la même pièce, quand les défenses immunitaires sont en bernes, c’est l’une des pires idées qui soient. Tu sais, parce qu’on te l’a répété mille fois, que tu dois te protéger, avant de foncer vers les autres. Que les toubibs sont là pour les autres patients. Mais toi, tu t’en fiches et te voilà donc à être en contact avec cette petite fille qui respire encore mal. Pourvu qu’elle ne soit pas porteuse d’une saloperie de virus, hein…
En vérité, tu ni penses même pas. Tu veux juste ne pas laisser cette enfant connaître ce que tu as connu aussi. Alors tu souris, et tu continues les mouvements de ta main sur son dos, pour la réconforter et tu commences à envisager d’appeler une infirmière quand un bruit de pas se fait entendre.
Tu relèves la tête pile quand un homme en blouse blanche entre dans la pièce. Si tu l’entends clairement demander si tout va bien, tu ne réponds pas, car il comprend de lui-même que tu as besoin de son aide. En t’écartant un peu de l’enfant pour le laisser opérer, tu ne fais que garder ton contact avec le dos de la petite, le souffle retenu, les yeux fixés sur lui.
Tu ne le connais pas. À vrai dire, tu ne te rappelles même pas l’avoir vu ailleurs, alors il est assez simple pour toi de te dire qu’il est nouveau ici. Et comme à chaque fois qu’on te met face à un nouveau médecin, tu restes sur tes gardes, prête à l’affrontement si cela est nécessaire…
« Je ne sais pas… Tu souffles, sans le lâcher de ton regard vert. J’allais me chercher un truc à grignoter quand elle a eu une quinte de toux. Tes yeux vont à la petite fille, avant de revenir à l’homme. Je l’ai fait se calmer et reprendre son souffle et je lui ai donné un peu d’eau, rien de plus. Tu hésites un instant avant de finalement te remettre debout d’un mouvement fluide. Je vais chercher Lucina ! »
Et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, tu fonces hors de la pièce. Tu n’y vas pas en marchant, pas plus qu’en trottinant. C’est en courant à toute vitesse que tu vas chercher la secrétaire et en moins de 5 minutes, tu reviens avec une infirmière qui prend en charge l’enfant avec plusieurs remerciements, autant pour le médecin que toi, Jules.
Sauf que courir, ça n’est jamais sans répercussion chez les gens comme toi. Alors, même si tu repousses le remerciement d’un mouvement de main et que tu salues la gamine qui s’en va rejoindre sa chambre et ses parents endormis là-bas, visiblement, tu t’appuies contre le mur du couloir, une main sur la poitrine, pour reprendre ton souffle. Ca brûle, mais tu te forces à ne pas fermer les yeux.
« Heu...reusement… que… vous êtes arri...vés… Tu es essoufflée, mais tu refuses de te taire et de te reprendre. Vous… remplacez le… Dr Aveni… non ? »
Tu le sens, au fond de tes tripes. Quand ton médecin t’a annoncé qu’il devait quitter son poste quelque temps, il t’avait dit qu’il avait choisi son remplaçant avec soin… et qu’il te surprendrait. Tu ne doutes pas que l’homme parlait de lui.
« Jules De Luca. Tu lui tends la main, alors que ton souffle se remet en ordre, lentement. C’est mon nom sur votre dossier… J’imagine que vous m’cherchiez ? »
Et enfin, après cette rencontre étrange, où tu es restée sur la réserve tout ce temps, tu te calmes, et tu lui offres ton premier sourire. Lumineux. Sincère. Puissant. Tout toi, quoi.
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Moon Hyeon-ju
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Nouveau-né
Dim 29 Mar - 18:57
N'oublies pas de respirer & tout ira bien !
Feat Jules
Maintenant, ton regard dévie. Tu cesses d'observer la petite fille qui éprouve encore vraisemblablement des problèmes pour respirer correctement, et tu te concentres sur cette jeune femme. La logique voudrait que, parce qu'elle est là, et parce qu'elle continue de prendre soin de cette enfant, elle soit celle qui l'accompagne ici. C'est bien pour cela que tu attends sa réponse avant de pouvoir aller le chercher le bon médecin … parce que si tu te repères bien ici, tu n'as clairement pas encore retenu les noms et les fonctions de tout le monde. Malheureusement, Hyeon-ju, tu fais fausse route. Elle ne sait rien, cette jeune femme, et lorsqu'elle te l'annonce, tu te contentes de soupirer. Un autre – plus sympathique et plus avenant que toi – aurait sans doute pris le temps et la peine la rassurer, ou même de la remercier. Un autre lui aurait sans doute dit qu'elle avait fait ce qu'il fallait. Mais toi, tu restes silencieux et lorsqu'elle se redresse, tu suis sous mouvement, restant muré dans ton silence, même lorsqu'elle quitte la pièce. Lucina. C'est qui ça, déjà ? Peut-être qu'il est temps que tu prêtes un peu plus attention aux autres, non ? Si seulement tu étais décidé à faire un peu plus d'efforts avec le monde, peut-être que tu aurais moins de monde à retenir de simples prénoms.
« Bien, reste assise et respire calmement. » Dis-tu simplement à l'enfant tout en lui montrant comment faire pendant quelques minutes. Lorsqu'une infirmière apparaît dans l'encadrement de la porte, elle t'indique le nom du médecin en charge de la petite fille, t'indiquant par la même occasion qu'il a un peu de retard dans ses rendez-vous du jour mais qu'il ne devrait pas tarder. « Restez avec elle, et veillez à ce qu'elle reste calme. » Tu ne lui offres même pas un sourire. Tu te contentes de donner tes directives et puis, tes yeux se repose sur la rouquine lorsqu'elle s'adresse à toi, là, tu hoches simplement la tête. Elle est essoufflée, un essoufflement évidemment anormale pour une jeune femme de son âge qui aurait couru le long d'un simple couloir sur une période aussi courte. « Effectivement. » Tu t'avances vers elle, après avoir ramasser le dossier abandonné au sol, et puis, tu passes devant elle. « Je suppose que vous connaissez le chemin. Venez. » Tu continues ton chemin dans le couloir, dans le silence le plus total, et puis, tu rejoins ton bureau. Tu pousses la porte, te décalant légèrement pour la laisser entrer et lorsque c'est fait, tu entres à ton tour, refermant derrière toi avant de prendre une goutte de gel hydroalcoolique et de te frotter les mains entre elles. Après ça, tu viens t'installer à ton bureau, et tu ouvres le dossier pour parcourir la dernière page, au moins. « C'est une simple visite de contrôle, je me trompe ? » Tu relèves enfin les yeux des documents. « Ce genre d’essoufflement … c'est habituel, chez vous ? »
Tu l’observes Jules. Ce type ne te convainc pour le moment pas. Il faut dire aussi que tu adorais le médecin qui te suivait dans ce service. C’était un peu comme l’un de tes grands-pères, qui avait commencé à t'amadouer en t’offrant des bonbecs à chaque fin de rendez-vous, avant de se ranger de ton côté quand tu avais voulu te mettre au sport. Un vieil homme avisé.
Et le truc, c’est que pour le moment son remplaçant paraît trop aseptisé pour toi. C’est comme s’il était tombé dans une marmite de gel hydroalcoolique en arrivant à l’hôpital. Ça lui donne une froideur étrange, et toi, jeune fille, ça te met sur la défensive. Encore plus que tu n’aimes pas l’odeur du gel hydroalcoolique…
« Je vous suis… »
D’habitude, tu as le culot de tutoyer les médecins, même ceux que tu ne connais pas. Mais aujourd’hui et devant cet homme, tu retrouves un vouvoiement qui fait lever la tête à la femme qui s’occupe maintenant de la petite malade. Et tu détournes la tête pour cacher que tu as honte de ne pas avoir le cran de te tenir à tes habitudes et tu lui emboites le pas.
En silence, les mains serrées l’une contre l’autre, à t’étriper les cuticules pour calmer tes nerfs, tu ne te fais remarquer que par le claquement de tes talons sur le sol, jusqu’à entrer dans son bureau. Non… celui du docteur Aveni. Lui, ce n’est que celui qui est venu y mettre ses affaires à un point où, pendant un instant, tu as un drôle de regard sur la pièce. Tu ne la reconnais presque pas… et ça te donne envie de fuir.
Mais tu restes là. Debout, devant le bureau, à regarder partout pour découvrir à qui tu as affaire. Ah oui, parce que tu as une règle dans la vie : regarde le bureau d’un médecin, tu saurais qui il est. Et là, ça ne te plait pas… jusqu’à ce que tu vois les dessins de bambin derrière le bureau. Avec un petit soupire soulagé, tu acceptes enfin de t’installer.
« C’est ça. Visite mensuelle. Tu as un drôle de sourire, comme si tu te moquais un peu de toi-même, obligée de passer autant de temps dans les hôpitaux que tu détestes tant. L’essoufflement ? Oui, oui, c’est toujours depuis deux ans. Le Dr Aveni m’a dit que j’ai perdu une partie de ma capacité avec la pneumonie qui m’a presque fauchée. »
T’es la pire, t’es comme un monstre. Tu dis ça avec un humour jaune qui est sacrément malaisant. Sur ton visage, il n’y a que le sourire adorable que tu sais si bien affiché. Et tu as même le culot de t’installer au fond du siège pour croiser tes jambes comme si t’étais à un semble rendez-vous professionnel. Comme si t’étais pas malade. Quelle idiote…
« Vous êtes ici depuis longtemps ? Tu finis par l’attaquer de front, comme si ton cas à toi ne comptait que peu. Vous arrivez à vous y retrouver dans tous ces étages sans fin ?! Tu souris, croises les mains sur ton ventre avant de te pencher en avant. Dites, le Dr Aveni m’avait dit que vous seriez surprenant, mais je ne m’attendais pas à ça. Vous êtes japonais ?! Vous parlez drôlement bien l’italien ! »
Et t’es là, comme une gamine surexcitée à refuser qu’il s’intéresse à toi, pour le noyer sous ta curiosité. Tu sais que ce n’est qu’un moyen de fuir. Tu sais que certains médecins détestent ça, que d’autres acceptent avec compassion pour ta peur. Et pourtant, tu continues d’avoir cette attitude, à chaque nouvelle rencontre.
« Ils sont beaux vos dessins ! J’vous en ferai un moi aussi, comme ça vous en aurez d’un grand enfant aussi ! »
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Moon Hyeon-ju
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Mer 1 Avr - 15:38
N'oublies pas de respirer & tout ira bien !
Feat Jules
Tu la fixes un instant. Des malades, tu en as croisés, Hyeon-ju, et pourtant, tu ne peux pas nier qu'ils ont rarement été si … lumineux. Elle pourrait presque t'éblouir, tant toi, tu es habitué au ténèbres, tant les ombres font parti de ta vie, et même de ton existence depuis la nuit des temps. Cependant, tu ne changes rien à ton attitude, non, tu te contentes de la fixer, et tu ne laisses rien transparaître de tes pensées, même lorsque tu te dis qu'elle est jolie, personne ne pourrait le deviner, parce que ton visage est celui d'un médecin qui observes sa patiente tout en attendant ses réponses. « Je vois. » Et voilà, maintenant, tes yeux reviennent au dossier, tu parcours les notes de ton collègue ici et là, il te faudrait bien plus de temps pour lire le dossier de cette jeune femme attentivement, alors tu te contentes de noter dans un coin de ton esprit ce qui te sembles important, pour le reste, tu pourras simplement poser des questions, du moins, pour aujourd'hui.
Tu finis par te lever, repoussant ton siège et abandonnant le dossier sur ton bureau, tu te diriges lentement vers la table d'auscultation pour y déplier du papier à usage unique. « Je vous laisse vous installer ici. » Tu recules légèrement, observant un instant les rangements dans les étagères de ce bureau dans lequel tu ne te retrouves pas encore très bien. « Retirez votre … blouse. » Demandes-tu alors, en lui jetant un nouveau coup d’œil. « Je vais vérifier vos poumons. » Oui, tout est dans le dossier à ce sujet, évidemment, cependant, tu veux écouter ça par toi-même afin de te faire ta propre idée, et surtout, tu veux voir ce que ça donne après l'effort qu'elle vient de faire. Elle, elle ne le sait pas, d'ailleurs, personne ne le sait à part tes parents, mais tu sais plus ou moins ce que ça fait d'être dans un tel état … si tes souvenirs de cette périodes sont relativement flous, ils sont pourtant bel et bien présents quelque part dans ta mémoire, et parfois, ils refont surface, sans prévenir.
Une fois qu'elle est installée, tu frottes tes mains entre elles, un réflexe, parce que tu sais que tu as constamment les mains froides, et tu viens poser ton stéthoscope dans son dos, gardant le silence un instant pour écouter le rythme de sa respiration et l'effet de cette dernière sur ses poumons. « Respirez plus fort. » Demandes-tu après quelques secondes, pour ensuite prendre à nouveau le temps d'écouter. Effectivement, tu entends clairement le problème, un problème dont elle ne pourra certainement plus se débarrasser contrairement à toi, à l'époque. Les humains n'avaient pas cette chance, malheureusement. « Coréen, pas japonais. » Finis-tu alors par répondre en revenant devant devant elle pour cette fois écouter les battements encore rapides de son cœur. Tu viens ensuite rapidement observer ses yeux avant de te détourner. « Je suis né à Séoul, et j'étais encore jeune quand mes parents se sont installés ici. Je suppose que j'ai eu le temps de me faire à la langue. » Et une nouvelle fois, tu viens prendre un peu de gel hydroalcoolique pour te désinfecter les mains. « Vous pouvez vous rhabiller. » De ton côté, tu es déjà de retour à ton bureau, les mains sur le clavier de ton ordinateur, tu rédiges une ordonnance en silence pendant quelques minutes. « J'imagine qu'il est inutile de vous rappeler de faire attention aux efforts dans le genre de celui de tout à l'heure ? » Tu quittes l'écran des yeux pour reposer les yeux sur la jeune femme. « Mais je le fais quand même, soyez prudente. Votre traitement reste le même pour le moment, il a l'air de plutôt fonctionner sur vous. »
C’est loupé, Jules. Tu as beau vouloir détourner la conversation et éviter qu’il ne s'intéresse trop à toi tant que tu n’as pas fait complètement ton avis sur lui, tu te rends bien vite à l’évidence : ce type ne compte pas rentrer dans ton jeu. Et ça te fait perdre ton attitude calme et détendue, sûre de toi. Tu recommences à triturer tes doigts, et pourtant, quand il te demande de venir sur la table, tu obéis, comme une gentille petite fille.
Et ça te rend dingue, Jules, d’être aussi nulle. De te laisser faire, sans garder l’attitude que tu as décidé d’adopter face à lui. Ça se voit jusque dans l’éclat de tes yeux verts. Ça vient tirer tes lèvres vers le bas, tendre les muscles de tes épaules. Et pourtant, petite idiote, tu y vas sans rien dire de plus…
Et c’est quand tu retires ton vêtement que tu comprends, Jules, pourquoi ce médecin te met autant à mal. À ses yeux, tu n’es qu’un patient, un être cassé à réparer. Tu n’as pas de substance. Tu peux bien rire, irradiée de lumière et de ton caractère, ça ne le touche pas. Et quand tu t’assieds sur la table, et que tu vois ton reflet dans le miroir en face une fois qu’il commence l’examen, tu te prends la vérité en pleine face.
T’es moche. Ton corps est abîmé par les maladies et les opérations. Tu as des cicatrices disgracieuses sur les flancs, parce que tu as fait deux fois un collapsus pulmonaire. Les piqûres d’IG laissent des marques et des bleus. Tu n’es même pas assez grosse pour cacher ça sous des replis de peau. Et c’est avec dégoût que tu tournes la tête de ton reflet, pile quand il te répond.
« A Seoul ? Tu répètes en ramenant ton regard plein de tumultes sur lui. Vous avez pu y retourner depuis ? C’est à combien d’heures d’avion d’ici ? »
Ah oui, parce qu’à la base si tu as arrêté tes études c’est pour voyager. Alors clairement, ça te fait rêver que lui vienne de si loin ! Tu ne peux pas t’empêcher de t’imaginer très loin, près d’une mer bleue, d’une montagne silencieuse ou en plein coeur d’une de ces capitales asiatiques qui vivent à 100 à l’heure.
« Vous parlez coréen, encore ? Et tu te penches un peu en avant tout en renfilant ton haut, comme il te l’a demandé. Vous pourriez m’apprendre ?! »
T’es comme ça, tu n’as aucune limite, jeune fille. Tu dis toujours ce que tu penses, tu demandes toujours ce qui te fait envie. Tu te doutes qu’on ne peut pas demander à son médecin ce genre de chose, sans prévenir, sans le connaître un minimum. Mais toi tu t’en fiches, tu n’as plus le temps d’attendre.
« Sa santé et son bien-être valent bien une petite course et quelques essoufflements. »
Tu lui réponds du tact au tact en entendant sa remarque, avec en prime un petit sourire confiant, sauf que ton expression change juste après. Tu te tends, et descends de la table dans un petit bond, avant de reprendre.
« À propos de ça… Vous croyez que je pourrais arrêter les médicaments pour ma respiration ? C’est chiant, je ne peux pas faire plein de trucs, parce que c’est écrit sur mon dossier. Pas mal de clubs de sports m’ont refusée à cause de ça… »
Tu t’en fiches de ta santé, tu veux juste brûler le fil de ta vie le plus fort possible !
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Moon Hyeon-ju
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Nouveau-né
Mer 1 Avr - 18:14
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Feat Jules
Tu es comme ça, Hyeon-ju. Il est bien difficile de te détourner de ton travail, parce que, tu es comme ça, c'est tout. Tu sais ce que tu as à faire, pourquoi tu dois le faire … et puis, surtout, toi, Yeomra, tu as pris cette grande décision, tu t'es dis que tu devrais t'y tenir, au moins pour une vie, si tu y parvenais pour au moins un bon demi-siècle, tu étais persuadé que tu pourrais le faire pour le reste de ton existence, peu importe à quel point elle pouvait être encore longue. Tu respecteras toujours l'existence de l'être humain, cet être si fragile, pourtant gardien de l'existence des dieux. Pourtant, c'est terminé, tu ne veux plus te mêler à eux, si tu es bien forcé de les côtoyer, tu ne veux tout simplement plus t'y mélanger. A une époque, tu faisais tous l'inverse. Tu as même eu des enfants, il y a bien longtemps, une descendance que tu as vu mourir, s'éteindre, tout comme tu as eu l'occasion de voir s'éteindre cette femme que tu aimais tant, que tu as toujours aimer, que tu aimeras probablement encore si elle a le malheur de revenir dans cette vie … Non, vraiment. Il est plus simple pour toi de rester concentrer sur ton simple travail. D'expédier les patients, les uns à la suite des autres, peu importe si on ne t'aime pas, tu es presque sûr de pouvoir endurer ça, ce ne serait pas la première fois.
« Non. Et je ne sais pas trop … je n'ai jamais pensé à y retourner. » C'est que, tout de même, tu tiens un minimum à ta vie. Tu sais que tu pourrais faire une rechute, si tu retournes un jour à Séoul, tout comme tu sais que si tu t'éloignes trop de cette ville, tu t'exposeras à bien des dangers. Bien entendu, tu dois cacher ça. Bien sûr, tu dois faire comme s'il ne s'agissait que de ta volonté. Tu es privé de voyages pour cette vie, et pour toutes les autres probablement, juste parce qu'il s'agit là du point faible des Dieux. « Je le parle couramment, grâce à mes parents cela dit … je suis médecin, pas professeur. » Et cette remarque aurait pu passer pour froide, voir désagréable si ce sourire ne s'était pas subitement dessiné sur tes lèvres, si tu n'avais souffler légèrement du nez tant sa demande avait été si surprenante, inattendue. Un véritable cheveux sur la soupe.
D'un simple clic de souris, tu viens finalement imprimer ton ordonnance avant d'attraper un stylo pour la signer. Puis, tu relèves les yeux lorsque tu entends la jeune femme parler à nouveau. « C'est vrai. Mais je pense que vous avez déjà à faire suffisamment avec votre santé à vous. Non ? » Tu dirais la même chose à n'importe quelle autre patiente, juste parce que … tu ne la connais pas, et parce que tu t'attends absolument pas à la demande qui suis. Là. Tu viens t'appuyer dans le fond de ton siège, et tu croises les bras, tes yeux fixés sur sa silhouette, tu attends, en silence qu'elle revienne s'asseoir face à toi avant d'ouvrir à nouveau la bouche. « A quel genre de sport est-ce que vous pensez, exactement ? » Tu plisses légèrement les yeux. Tu l'as vu dans son dossier, cette femme est suivie pour ce genre de soucis depuis son enfance, par conséquent, il ne fait aucun doute qu'elle a déjà été informée des risques que présentaient la pratique de certains sports. « Ce traitement est là pour vous permettre de respirer plus facilement, et éviter à ce genre de crise de survenir plus régulièrement. Le sport est généralement déconseillé dans votre état, Mademoiselle. » Tu soupires, finalement. Évidemment que tu es désolé pour elle. Tu peux la comprendre, en un sens. Elle est belle. Elle est jeune. Son état de santé est probablement handicapant … malheureusement, tu ne peux rien faire pour elle, et ça te désole, oui. « Je vais tenter de baisser le dosage de certains de vos médicaments. Pour faire un test, pendant un moment. Il va de soit que je vous déconseille d'en faire trop durant ce laps de temps. Compris ? »
Tu es idiote… Idiote d’avoir dit ça comme ça, sans préambule. De lui demander de t’enseigner cette langue que tu n’auras jamais la chance d’entendre ailleurs que dans cette ville qui t’enferme dans une prison dorée. Ne te plains pas, Jules, tu pourrais vivre dans une ville laide, petite, amère… tu vis dans un chef d’oeuvre d’histoire ! Quelle chance tu as…
Et te voilà, gamine, à secouer la tête, une amertume qui tire tes lèvres. Pourtant, tu viens quand même te rasseoir devant l’homme qui a refusé si facilement de t’enseigner sa langue. Tu l’as en travers de la gorge, mais tu ne lui en veux pas. Qui prendrait du temps pour se mettre une patiente dans les pattes hein ? À part le dr Aveni, bien sûr.
Tu restes pourtant étrangement silencieuse jusqu’à ce que la conversation revienne sur toi, sur ta santé, sur ce que tu essaies d’obtenir. Tu le sais, pourtant, qu’il ne faut pas arrêter ton traitement, mais tu vois, tu veux tellement vivre normalement que tu es prête à toujours trop en sacrifier.
« Oh… un peu de tout. Tu commences, en bougeant la main pour indiquer que ce n’est rien d’important, mais son regard plissé te force pourtant à répondre plus précisément. Je voulais faire du krav maga, et il y a ces cours de salsa, aussi, que j’attends depuis un an. Peut-être le color run de cette année… »
À t’entendre, on dirait que tu veux rajouter tout de suite ton nom sur la liste de la faucheuse et tu t’en rends compte en même temps que tu parles sans pouvoir t’arrêter. À croire que ce médecin arrive à te délier la langue. En tout cas, tu te mords la lèvre en piquant un fard puissant. Tu en deviens presque aussi rouge que tes cheveux dis donc…
« Ce n’est pas conventionnel avec ma maladie, mais… je… je m’en sens capable… et je n’ai rien de mieux pour occuper mon temps. »
Si seulement il avait dit oui pour t’apprendre sa langue, peut-être que tu repousserais certaines idées loin de toi. Ce n’est malheureusement pas le cas et tu te recroquevilles un peu sur toi, pour éviter l’engueulade qui pourrait te tomber aussi sec dessus.
Pourtant, quand tu entends qu’il accepte, au moins en partie, ta requête tu relèves la tête vers lui. Et tu le regardes avec des yeux ronds. Tu pourrais le remercier, tu es même sur le point de le faire, mais il dit quelque chose qui te tire une grimace bien peu élégante.
« Jules ! Je m’appelle Jules. Pas de mademoiselle, s’il vous plaît. Tu détestes ça, toi tu voudrais rester une gamine encore quelques années, pour profiter encore de ta vie. J’essayerai de ne pas trop en faire, mais ça dépend du boulot que j’aurais dans les prochains temps. T’hésites, mais tu finis par rajouter. Merci, Dr heu... »
Tu te rends compte que tu ne sais même pas son nom. Alors tes yeux glissent sur la petite pancarte qui indique son identité et tu restes bloquée, bêtement à te demander quelle partie de son nom exotique est son patronyme… Idiote va.
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N'oublies pas de respirer & tout ira bien ! (ft Hyeon-ju)
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Quand tu rentrais dans un hôpital, tu avais toujours cette sensation de revenir là où tout avait commencé. C’était comme une boucle qui n’avait de cesse de recommencer, encore et encore, et cela avait longtemps joué sur le malaise qui grimpait instantanément dans ta poitrine. En effet, tu avais bien longtemps craint ne pas en ressortir, ou que cet endroit finisse de t'arracher tous tes droits. Et puis, Jules, tu avais grandi.
Dune - 2020 
